Nombre d’ouvrages déjà évoqués dans l’Aérobibliothèque rapportent combien Concorde a marqué les esprits, tout comme auparavant le firent la traversée de l’Atlantique par Lindbergh ou les premiers envols d’avions. Pourtant, la fin du XVIIIe siècle vit autant — sinon davantage — d’enthousiasme au sein de la population et des communautés scientifique ou intellectuelle. C’est ce que l’auteur nous démontre par un impressionnant travail d’inventaire et de présentation de ce qui nous est parvenu, à savoir les textes ou les gravures, les correspondances ainsi que les travaux pour des projets, qu’ils soient utopiques ou concrétisés par une réalisation.
Face aux images d’archives nous montrant les foules immenses de la semaine de Reims en 1909 ou de l’accueil au Bourget du vainqueur du premier vol direct USA-France, on a peine à imaginer que plus d’un siècle auparavant pareil engouement se produisit pour saluer le premier vol humain aisément reproductible. Faute de témoin direct survivant, de médias modernes, c’est donc au support papier qu’il faut se fier. Et il est à saluer que Marie Thébaud-Sorger ait retrouvé tant de courriers, publications et études qui attestent de ce foisonnement dont une grande partie sont des produits destinés à la commercialisation.
À une époque où l’analphabétisme est encore important et les ressources limitées pour la majorité de la population, l’auteur analyse combien l’enthousiasme était vif en expliquant — par exemple — que les éditeurs ont su profiter de cet engouement en collant au plus près de l’actualité, parfois en recourant à des procédés proches de notre piratage moderne.
Côté scientifique, le nombre de publications et de correspondances est tout aussi conséquent et favorise la diffusion du savoir, des répliques et suscite nombre de recherches pour améliorer le procédé menant à terme au principe des dirigeables… et cela avant même qu’une décennie ne s’écoule.
En complétant son étude par une évocation des impacts sur les ustensiles, le mobilier et la mode vestimentaire mais aussi la tactique militaire, ce livre rappelle combien ces techniques ont marqué leur époque, comme une libération tant attendue après ces siècles cloués à la surface de la Terre. Si ce remarquable travail se concentre essentiellement sur la France et les vingt premières années, il n’exclut pas les points de vue d’autres pays et l’on est amusé de voir combien parfois cet engouement est dédaigné… jusqu’à ce qu’un autochtone fasse lui aussi surgir une fierté toute neuve.
Bien des personnes négligent l’aérostation, mais si vous réalisez qu’aucune paire d’yeux ne reste indifférente à la vision de ce rare spectacle, c’est bien qu’au fond de nous une magie s’opère. Ce livre nous livre l’écho de cet appel et vous surprendra par l’intensité de l’élan qu’il suscita. Un retour aux sources tout à fait bienvenu.
François Ribailly
160 pages, 22 x 28 cm, broché avec rabats
109 illustrations