Il est rare que nous commencions une série récente par son quatorzième volume. L’explication en est simple : Jour J n’est pas, loin s’en faut, une série aéronautique. Le principe fondateur de la série est l’uchronie, chaque album réécrivant un pan de l’Histoire en modifiant un événement, et chaque récit se place à une époque différente (de l’Antiquité à l’Époque contemporaine).
L’univers d’Oméga bifurque de notre réalité le 6 févier 1934. Au lieu des sanglantes manifestations qui firent chuter le gouvernement Daladier, les auteurs imaginent que l’extrême droite a ce jour-là pris le pouvoir par la force, avant de réarmer la France et d’envahir préventivement l’Allemagne nazie. C’est dès lors avec le Royaume-Uni, dernière démocratie européenne, que les tensions s’accumulent et que la guerre se prépare ; et le déclencheur pourrait bien être la mort d’Antoine de Saint-Exupéry, apparemment abattu par la chasse adverse dans le secteur des Îles anglo-normandes, qui poussera l’aviation française à la vengeance…
Une bonne uchronie doit être plausible : pour cela, un minimum de documentation est nécessaire, surtout lorsqu’il s’agit de présenter en un volume huit ans d’histoire. Rien à redire sur ce plan : Duval et Pécau fournissent une réalité alternative solide et bien construite, et ne laissent rien au hasard. En revanche, cela se traduit par un scénario dense, écrit, avec beaucoup d’événements et de texte en peu de pages. L’ouvrage s’adresse en fait à ceux que l’Histoire passionne, quitte à risquer de perdre ceux qui rechercheraient avant tout un récit prenant et distrayant. On retrouve la même sécheresse sur le plan graphique : Maza nous a habitués aux planches aérées et aux mises en pages modernes, mais la densité du récit lui a imposé une présentation plus sobre et concentrée, impression renforcée par la mise en couleurs dense et tranchée de Fernandez.
Fans du scénariste des Lieutenant McFly et du dessinateur des Wunderwaffen et Lady Spitfire, soyez donc prévenus : les Jour J sont des bandes dessinées sérieuses. Fans d’histoire alternative, en revanche, vous goûterez un scénario complet, solidement charpenté et bien documenté (malgré une ficelle un peu grosse dans les dernières pages), qui mélange habilement uchronie* et dystopie* pour fournir une œuvre fort agréable.
Franck Mée
64 pages, 24 x 32 cm
Dessin : Maza
Couleurs : Jean-Pierre Fernandez
* Uchronie : Genre littéraire qui repose sur le principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un événement du passé.
* Dystopie : Récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur.
Les autres albums de la collection Jour J
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Delcourt
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