L’année 2020 aurait dû voir l’organisation d’un colloque historique pour l’occasion du centième anniversaire de l’achèvement du grand hangar à dirigeables d’Écausseville, dans la Manche, mais la pandémie a contraint les organisateurs à l’annulation pure et simple de cette rencontre ; heureusement, ils ont eu la bonne idée de rassembler les interventions prévues dans cet ouvrage.
Malgré leur grand intérêt, les actes des colloques présentent trop souvent le travers de n’être qu’un empilement de textes qui se recoupent plus ou moins, et auquel leur éditeur a le plus grand mal à donner un minimum de cohérence à travers une introduction, aussi brillante soit-elle. Rien de tel ici, ce livre constitue même une monographie presque parfaite consacrée à l’histoire d’un bâtiment, donc chaque chapitre explore un thème précis, sous la plume de spécialistes reconnus, parmi lesquels les habitués de l’Aérobibliothèque reconnaîtront Robert Feuilloy, pilier de l’association ARHDAN*, pour ne citer que lui.
L’histoire du hangar est présentée à travers celle du centre d’Écausseville, complétée par un panorama des enjeux de la lutte anti-sous-marine au cours de la Grande Guerre. On lira avec un intérêt particulier l’excellent article consacré à l’application du béton armé à l’aéronautique, solution technique pour laquelle le bâtiment fait figure de précurseur.
Ayant survécu aux vicissitudes de l’Histoire, ce que ses bâtisseurs n’avaient peut-être pas réellement envisagé, le problème de sa conservation à plus ou moins long terme donne lieu à une autre approche du sujet, défi aigu qui se pose aux conservateurs d’un tel patrimoine.
L’avenir d’un tel lieu n’est pas oublié, même si l’on reste toujours partagé sur les chances de revoir un jour de grands dirigeables naviguer au-dessus de nos têtes…
Certains lecteurs pourront trouver que le sujet s’écarte trop des chemins de l’histoire aéronautique vers celle du génie civil, c’est toute une difficulté à laquelle doit faire face l’histoire des lieux aéronautiques, domaine qui a certainement pâti depuis longtemps d’un goût trop exclusif pour les "belles machines" de la part des amateurs, oubliant combien celles-ci étaient dépendantes des infrastructures au sol. En même temps, il faut reconnaître que ce qui constitue aujourd’hui un des fleurons du "patrimoine aéronautique bâti" dans notre pays n’a pratiquement jamais servi à ce pourquoi il avait été construit, et qu’il doit davantage sa survie à l’architecture qu’à sa place réelle dans l’histoire de l’aéronautique !
Au-delà de l’histoire de ce bâtiment hors de commun, ce livre apporte également sa part aux réflexions sur l’avenir d’un "patrimoine" aéronautique qui n’est souvent composé que de structures industrielles considérées, rappelons-le, comme plus ou moins éphémères par leurs constructeurs.
La lecture de ce qui peut être considéré comme un ouvrage de référence nous rappelle par ailleurs que la conservation d’un bâtiment sous prétexte de son passé aéronautique n’a de sens que si elle accompagnée d’un travail de recherche historique à son sujet.
Notons enfin que ce livre est publié par les éditions Ouest-France : les plus anciens lecteurs se rappelleront des remarquables petites monographies éditées par ce quotidien qui depuis bientôt un demi-siècle se penche régulièrement sur l’histoire de l’aéronautique.
Pierre-François Mary
* ARDHAN : Association pour la Recherche et la Documentation de l’Histoire de l’Aéronautique Navale.
384 pages, 15,3 x 23 cm, broché
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