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Coup de cœur 2017
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Regards croisés : deux regards différents pour un même ouvrage.
Le commentaire de Pierre-François Mary
Le commentaire de Franck Mée
Parmi tous les ouvrages qui arrivent à l’Aérobibliothèque, il en est quelques uns qui sont inclassables ; l’ouvrage de Jean-Luc Beghin fait partie de ceux-là. Livre d’art ("artbook", dit la couverture), souvenirs d’une carrière de dessinateur, retour sur l’histoire de l’aéronautique que l’on a pu côtoyer ? Peut-être toutes ces définitions pourraient correspondre… Ceux qui furent adolescents dans les années soixante-dix ― et les autres ― se souviendront probablement des posters et des articles aéronautiques publiés par l’auteur dans le journal de Spirou, dont la précision technique du dessin ne pouvait faire oublier l’appartenance à l’école belge d’un dessinateur qui avait travaillé chez Dupuis comme au Lombard.
Parti s’installer avec armes et bagages à Los Angeles en 1976, Jean-Luc Beghin avait encore envoyé en Belgique quelques travaux ― dont les aventures aéronautico-canines du basset Hubert B. Rainbow ― avant de disparaître des écrans européens, au moins de ceux de la BD, car son activité créatrice fut loin de se tarir, quelques-uns des 28 dessins présentés dans ce beau livre le prouvent (beau livre, car un éditeur de bandes dessinées est certainement le plus compétent pour publier un tel ouvrage).
Un petit événement va venir modifier son travail quand il est embauché par l’escale Air France, s’occupant rapidement de l’accueil des équipages qui arrivent chaque jour : l’idée de dessiner le cockpit du Boeing 747-200 qui règne alors pratiquement sans partage sur la ligne lui vient naturellement à l’esprit, mais il faut alors développer un mode de dessin particulier pour que tout rentre dans l’image, sans déformation aberrante… Le résultat est à la hauteur des espérances, après des heures de croquis réalisés quand il peut accéder pour quelques instants dans le poste de pilotage désert, ébauches validées par l’œil expert des pilotes et mécaniciens avec qui la complicité s’établit rapidement. On jugera également du résultat pour l’A 320 et le Boeing 777, avions toutefois frustrants par leurs écrans qui ont pris la place de toutes ces "pendules" qui font le bonheur de Jean-Luc. Gageons qu’il a quelque projet "classique" sur sa table à dessin : sa devise est « Pas un jour sans un trait »
La première idée pour ce livre était un simple album de dessin, mais heureusement pour nous, il a pris du poids ! Simple emballage rédactionnel ? Il suffit de lire quelques lignes pour découvrir une quantité de souvenirs et de photos liés à l’exécution de chaque dessin, que ce soit en Europe auprès des diverses forces aériennes de l’OTAN, ou bien aux États-Unis quand ses travaux lui ouvriront la porte de pionniers encore de ce monde dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.
Des lecteurs regretteront que certains posters n’aient pas été publiés en double page ; le C-47 de la page de garde peut le faire regretter, mais l’éditeur n’a pas voulu prendre de risque en cachant une partie de l’œuvre en milieu d’ouvrage. Il leur restera la possibilité de commandé un poster en tirage numéroté sur le site de l’auteur.
Inutile d’en dire davantage sur un ouvrage qui est sans hésitation un des beaux coups de cœur de l’Aérobibliothèque pour 2017.
Pierre-François Mary
Jean-Luc Béghin est un grand malade. Pris très jeune par la passion de l’aviation, il vit son goût pour le dessin faire de lui un illustrateur et un auteur de référence dans les magazines Spirou, Tintin et Flight Safety — édité par les forces aériennes belges. Mais sa spécialité, sa signature même, c’est l’illustration grand format, à l’encre, et plus particulièrement la reconstitution de cockpits d’appareils.
C’est donc le sujet de cet ouvrage, dans lequel vous trouverez une vingtaine d’illustrations d’habitacles, du Cessna 150 au module de commande d’Apollo en passant par le Bell XS-1 ou le Fournier RF-5B. À chaque fois, un style inimitable : perspective ultra-grand-angle irréprochable, dessin technique à l’encre de Chine, science de la hachure rendant superbement ombres et tonalités, et surtout niveau de détails versant sans vergogne dans la maniaquerie. Sur une gravure de Béghin, la moindre inscription du plus obscur cadran doit être parfaitement lisible et parfaitement conforme à l’original, au point que l’auteur s’excuse lorsque, à la demande d’un constructeur, il n’a pas représenté tel instrument sous secret défense !
Mais on ne saurait faire un ouvrage seulement avec des dessins de cockpits, aussi magnifiques fussent-ils. L’auteur et l’éditeur l’ont bien compris et les utilisent comme fil conducteur pour présenter l’histoire de Jean-Claude Béghin, de la Seconde Guerre mondiale à l’époque moderne en passant par son émigration aux États-Unis. Il nous promène ainsi dans l’histoire des appareils qui l’ont fait rêver, prenant le temps de les présenter en détails avec une documentation abondante, et nous explique la genèse des illustrations présentées. Certaines sont des projets personnels de longue date, mûris sur des décennies, d’autres le fruit d’une rencontre aléatoire, certaines sont des commandes officielles, d’autres un clin d’œil amical… C’est également l’occasion de découvrir une facette moins connue de l’œuvre de Béghin, qui après tout vient de l’école de la bande dessinée belge : des gags en une planche racontant les mésaventures d’Hubert Rainbow, un basset passionné d’aviation.

Jean-Claude Béghin a également appliqué sa recette à quelques "avions de chasse" à quatre roues,
mais cette rétrospective réduit l’automobile à cette Plymouth Fury ‘75 de la police de Los Angeles.