Généreux par son volume, 500 pages bien tassées, Fruits de la passion l’est aussi par le contenu culturel et technique accumulé. Son auteur, Bernard Conchon, enfant de la campagne et de la guerre, est devenu pilote de chasse dans les années 1960, puis pilote de ligne dans les années 1970, avant d’accéder aux plus hautes fonctions d’encadrement chez Air France, de chef de secteur (B727, Airbus A300/A310) à la direction des ressources humaines. Autant dire que son témoignage, débordant de détails techniques, peut être apprécié par de multiples types de lecteurs.
On regrettera d’autant plus que l’ouvrage ait été réalisé en auto-édition, avec le côté sympathique mais "amateur" que cela implique souvent, et non pas sous la supervision d’un éditeur professionnel qui aurait pu guider Bernard Conchon dans son entreprise, l’aider à doser le contenu de certains passages, à agrémenter la mise en page par un déroulé moins linéaire et à choisir une qualité de papier moins bouffant afin de faire ressortir les photos. L’auteur, dans une exubérance qui semble pleine de culture, enchaîne ainsi, au fil d’un récit chronologique, des commentaires sur la situation historique ou géo-politique du moment (4 pages pour nous expliquer ce que fut la Seconde Guerre mondiale, 3 pages sur J.-B. de la Salle et son œuvre, etc.), de longs chapitres sur la vie paysanne d’autrefois, des résumés de l’histoire d’un nouvel avion dont vient à parler le récit, une énumération des caractéristiques techniques et des performances dudit appareil, d’intéressantes anecdotes aériennes, mais également des descriptions style "Guide vert Michelin" des pays et des lieux où il est amené à se rendre pour une escale ou pour des vacances.
On conçoit que cela puisse donner au texte un aspect décousu, là où une mise en page plus professionnelle aurait pu offrir à l’ensemble un côté plus dynamique tout en gardant cette apparence encyclopédique.
Le point fort et l’attrait de ces Fruits de la passion, au fil du récit d’une carrière exemplaire, ce sont donc surtout les anecdotes, comme une mission militaire montant à 23 000 mètres, des vols mouvementés en orage et les affrètements "officiels" pour la Présidence de la République, pour le Ministère des Affaires étrangères ou même pour le Saint-Siège. Cela a permis à ce livre de trouver son lectorat au-delà du cercle familial auquel il était initialement destiné, puisqu’il en est aujourd’hui à sa quatrième édition.
Jean-Noël Violette
500 pages, broché, photos en noir et blanc
0,780 kg
NDLR :
Au point de vue de la forme, l’auteur use beaucoup, abuse parfois, de l’anaphore, cette formule de style qui marqua une élection présidentielle il y a quelques années (« Moi, Président... Moi, Président... »). Nous en trouvons une quadruple pages 132 à 138 :
Finis les... Finie la… (5 fois)
À moi le… À moi les… (11 fois)
C’est le… C’est le… (4 fois)
J’ai appris… J’ai appris (15 fois)
Puis à nouveau pages 271 à 277 :
Je pourrais… Je pourrais… (12 fois, puis formule reprise 9 fois pages 307 à 313, et ensuite de temps en temps pour la suite de l’ouvrage)