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mise en ligne: jeudi 18 novembre 2021



Tombés du ciel
Le sort des pilotes abattus en Europe, 1939-1945

Claire Andrieu

 
   

 

 

« Qui trop embrasse mal étreint » dit un vieux proverbe. À lecture de cet épais volume, on pourrait être tenté de le croire. Claire Andrieu ose la gageure d’aborder quatre cas de figure distincts d’aviateurs tombés dans un pays ennemi, occupé ou en zone de conflit. Autant de situations différentes, d’environnements politiques différents, d’êtres humains différents. Or, l’auteur semble tenir à enfermer les sujets étudiés dans des stéréotypes nationaux :
- Les civils français de mai-juin 1940 résistent à l’envahisseur ; quelques aviateurs allemands sont tués ;
- Sur leur sol de 1940 à 1944, les Britanniques font prisonniers les aviateurs de la Luftwaffe avec retenue ;
- Les Français occupés cachent les aviateurs alliés et les aident à rejoindre l’Angleterre ;
- Le peuple allemand les lynche, surtout à partir de 1943.

C’est cette volonté affichée de vouloir réduire les populations civiles à des archétypes qui pose problème. Tous les amateurs ou connaisseurs de près ou de loin de ce vaste sujet qu’est l’évasion d’aviateurs tombés du ciel sur le sol français savent à quel point c’est un univers très variable et versatile. Il importe de souligner que l’auteur nuance cette réduction à des stéréotypes nationaux dans ses conclusions.

On peut remercier l’historienne de transmettre ça et là des connaissances de base. Même si nous aimons la langue française et la défendons, nous sommes d’accord avec elle pour l’usage du mot "helper", qui s’est maintenant bien enraciné dans les études et publications pour désigner ces habitants des pays occupés qui ont aidé les fugitifs, par de l’hébergement, de la nourriture, des vêtements, du transport, des soins médicaux, des faux-papiers. Elle ne tombe pas dans le piège qui en a fait tomber plus d’un et différencie correctement "evader" et "escaper"* qui sont des faux-amis si on se contente d’une traduction mot à mot.

De même, son analyse de l’évasion en 3 phases (chapitre 6) est pertinente, et montre bien à quel point les helpers de la phase 1 (la scène primitive) ne sont pas forcément connectés à ceux de la phase 3 (le réseau organisé) ou en font partie**. Signalons tout de même que certains evaders n’ont d’ailleurs jamais été en contact avec une filière d’évasion organisée, et n’ont donc jamais atteint la phase 3 définie par l’auteur.
Cependant, outre le stéréotypage des comportements, c’est le fait de vouloir intégrer en un seul volume ces 4 cas de figure qui ne permet finalement pas, à notre avis, de dégager des éléments statistiques probants pour certaines périodes. Certains chiffres sont peu significatifs, car basés sur de rares cas connus et médiatisés, en ce qui concerne par exemple la période de mai-juin 1940. Une étude spécifique plus poussée à l’échelon local et régional et limitée à ce seul sujet se suffirait à elle-même. Pour les aviateurs d’outre-Rhin tombés en Grande-Bretagne, l’intérêt pour le lectorat français moyen est très réduit. Idem pour l’Allemagne. On peut comprendre que cette dernière partie intéressera plus particulièrement les historiens professionnels, les universitaires et doctorants, mais probablement moins le grand public français. Cette quatrième partie semble paradoxalement la plus convaincante, car basée sur un important fonds documentaire et une historiographie plus étoffée.
Le lecteur "aéro" français sera globalement plus attiré par l’aide apportée aux aviateurs alliés tombés en France occupée. Comme Claire Andrieu l’indique, la matière première au niveau des archives existe avec abondance. Des milliers de rapports d’évasion sont disponibles dans le domaine public dans les archives nationales britanniques et américaines. Cependant, seuls quelques exemples sont cités, certains très significatifs de sens, mais ce faible échantillonnage est-il vraiment représentatif de quatre longues années d’occupation ? Peut-on comparer la situation des helpers du Nord-Pas-de-Calais, par exemple, où l’occupation allemande était forte en termes de présence humaine et la répression sans merci, avec d’autres régions bien moins peuplées de troupes d’occupation ? Certaines sources écrites n’ont pas été étudiées non plus semble-t-il, comme les annexes ‘C’ des rapports d’évasion. Nous pensons qu’elles auraient apporté un éclairage différent à l’analyse globale du sujet.

Certes, des chiffres, des statistiques, des tableaux sont produits, mais ne parviennent pas forcément à convaincre. Certains sont intégrés dans le corps principal du texte et d’autres figurent en annexe, et donc appuient moins la démonstration, comme par exemple les graphiques de la page 451 qui mettent en parallèle lynchage d’aviateurs alliés et tonnages mensuels de bombes larguées sur l’Allemagne.
Un petit cahier de 8 pages d’illustrations en noir & blanc et en couleur est inséré au milieu du livre. Pertinente quant au sujet, on ne peut que regretter que l’illustration par l’image ou la reproduction de quelques archives ne soit pas un peu plus abondante.
Les très nombreuses notes sont malheureusement regroupées en fin d’ouvrage (pages 399 à 442) et nous ne pouvons ici que répéter à quel point cela rend la lecture pénible. Suivent 12 pages d’annexes graphiques (cartes, tableaux, histogrammes) et 23 pages de sources et de bibliographie, 4 pages de remerciements, 8 pages d’index onomastiques, puis les tables des matières. L’ensemble de cette présentation fait clairement penser à une thèse universitaire.
Publié en collaboration avec le Ministère des Armées, il s’agit donc d’un livre exigeant. Certains passages sont très agréables à lire, presque lyriques, d’autres plus lourds et chargés d’éléments de langage dénotant l’approche universitaire du sujet, renforcée par la pénibilité de la consultation fréquente des notes en fin d’ouvrage. Fatalement, la comparaison avec le livre RAF evaders de Oliver Clutton-Brock (Grub Street 2009) est assez inévitable. Rédigé en anglais, ce qui peut être un frein pour un lectorat francophone, ce livre est plus factuel, plus collé au terrain et aux écrits, tandis que Claire Andrieu se livre à une analyse macroscopique, plus portée sur l’historiographie que sur le récit historique pur. C’est là le point essentiel de l’ouvrage.

Jocelyn Leclercq


512 pages, 14,50 x 21,50 x 3,00 cm, broché
0,580 kg


* un evader a échappé à la capture, tandis qu’un escaper a été capturé puis s’est évadé par la suite.
**Depuis plusieurs années, un site internet est en train de travestir les faits en intégrant de facto les helpers de première ligne dans le réseau d’évasion qu’ils étudient. L’analyse de Claire Andrieu est sensée et à l’encontre de cette réécriture.



 

Références:

Tombés du ciel
Le sort des pilotes abattus en Europe, 1939-1945

Claire Andrieu

Éditions Tallandier

ISBN 979-1021044128

23,90 €






Ce livre est classé :


Éditeur et auteur

Coordonnées de l'éditeur :
- Tallandier


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- Des Anglais dans la Résistance
- Dictionnaire universel de l’aviation
- Diên Biên Phu
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